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La préhistoire de la « diplomatie parlementaire »
1974-1979
Klaus SCHUMANN
Le Conseil de l’Europe est la première organisation politique européenne d’après-guerre. Innovateur dans les relations internationales, il a mis en place une représentation parlementaire comme deuxième organe officiel de l’organisation. Le monopole de la diplomatie secrète des gouvernements a été brisé. Des parlementaires des Etats membres ont eu droit au chapitre.
Une nouvelle dimension pour la construction européenne et l’évolution de ses institutions, est ouverte au débat public. L’Assemblée prend des initiatives dans des situations conflictuelles (Irlande du Nord, Chypre) au sein de la famille des Etats membres. Elle devient ainsi acteur et porte-parole européen dans des situations où le Comité des Ministres est politiquement bloqué par le principe de l’unanimité. Elle n’hésite pas à se faire entendre, à soutenir la recherche d’une politique extérieure commune lors de débats de politique générale. Dès 1953, suite à la mort de Staline, elle s’exprime sur la définition de la politique du Conseil de l’Europe à la lumière des récents développements de la situation mondiale.
C’est la plus large enceinte parlementaire européenne. Elle traite des questions de « politique étrangère » (Proche-Orient, Afrique, Nord-Sud). Elle offre également aux pays extérieurs de l’Europe et aux autres organisations internationales une plateforme adéquate pour s’adresser au monde parlementaire européen. Ce rôle politique a été développé sous la présidence de Pierre Pflimlin dans les années 60 et particulièrement à l’égard de l’Afrique, des Etats-Unis d’Amérique et des pays d’Amérique latine. Depuis les années 60 des Secrétaires Généraux et Présidents de l’Assemblée générale des Nations Unies se sont adressés à l’Assemblée qui est également devenue « de facto » l’Assemblée parlementaire de l’OCDE.
Pendant la décennie suivante, dans la foulée du rôle majeur qu’elle a joué dans le règlement de la « crise grecque », l’Assemblée a investi le champ diplomatique, traditionnellement réservé aux gouvernements. J’ai gardé des souvenirs précis de ce qui apparaît, avec le recul, comme la préhistoire de la « diplomatie parlementaire », et en particulier de missions effectuées en Irlande du Nord, à Chypre et au Liban dans les années 70. Elles font état des surprises et difficultés cachées de telles entreprises, mais soulignent également le rôle original de l’Assemblée.
Belfast 1974
La détérioration de la situation en Irlande du Nord engendrait un conflit particulièrement douloureux pour la famille européenne. C’est le « Dimanche sanglant »/ »Bloody Sunday » du 30 janvier 1972 qui a provoqué la consternation générale. Des manifestants pacifiques des droits civils ont été pris pour cible par des soldats de l’armée britannique. Treize personnes, dont sept enfants, sont décédées. C’était dans la logique de son rôle que l’Assemblée a voulu délibérer sur ce conflit qui remettait en question les principes et valeurs du Conseil de l’Europe. Toutefois, l’Irlande et le Royaume-Uni, les deux Etats membres concernés, ne souhaitaient pas de débat public. Pourtant, un accord fut trouvé pour créer, au sein de la Commission politique et de la Commission juridique et des droits de l’homme, deux Sous-Commissions chargées du dialogue entre parlementaires et de la préparation, d’un éventuel futur débat.
L’ « Accord de Sunningdale » de décembre 1973 devait mettre fin à la période de confrontations et « imposer » le partage de pouvoir entre unionistes et nationalistes. En vain, les deux parties firent échouer l’accord en mai 1974. Dès lors, la Commission politique demanda à son rapporteur (Pieter Dankert/Pays-Bas) de se rendre sur place pour s’informer en détail sur la situation. Au Stormont à Belfast il a pu rencontrer l’ensemble des représentants politiques et en particulier le révérend Ian Paisley (dirigeant protestant) et Gerry Fitt (catholique, dirigeant du Parti social-démocrate et travailliste) ; Gerry Adams (dirigeant du Sinn Fein catholique) se trouvait en prison à ce moment-là.
Le souvenir le plus marquant de cette mission fut la découverte du « terrain ». Le rapporteur a pu visiter les quartiers catholiques de Belfast. Ceci devrait se faire dans une Jeep sécurisée de l’armée britannique qui, équipée d’une mitrailleuse, effectuait régulièrement sa ronde à travers cette partie de la ville. Pendant le trajet notre Jeep ne fut pas seulement agressée par tous les chiens de rue, mais également par des enfants en bas âge qui lançaient des cailloux. Un scénario bien rôdé contre « l’occupant » détesté.
Ce n’est qu’en janvier 1976 que l’Assemblée a pu organiser le débat public sur la base de son rapport et adopter sa résolution 612 sur la situation en Irlande du Nord appelant les gouvernements de l’Irlande et du Royaume-Uni à intensifier leur coopération au sein du Conseil de l’Europe qui « peut se révéler indirectement utile pour un règlement politique de dimension européenne ». Par ailleurs, le Conseil de l’Europe a offert ses bons offices en invitant, d’une manière tout à fait informelle, des jeunes dirigeants et militants des deux communautés en Irlande du Nord à Strasbourg (au Centre européen de la jeunesse) pour leur permettre de se rencontrer et de dialoguer, en « terrain neutre », en dehors de toute pression publique et publicité médiatique. Des experts du Secrétariat se sont joints à ces rencontres pour présenter les accords et textes européens dont l’application pourrait faciliter la recherche d’une solution au conflit. N’oublions pas que pendant toute cette période la Convention européenne des droits de l’homme a pleinement joué son rôle grâce à des plaintes étatiques (introduites par l’Irlande) ou individuelles (introduites par des citoyens/victimes).
Vingt ans plus tard, le « Good Friday Agreement » a mis fin à ce conflit qui aura fait des milliers de victimes. Aujourd’hui, des inquiétudes ressurgissent en raison du Brexit qui menace l’équilibre fragile d’une cohabitation politique en Irlande du Nord, depuis l’accord de mars 2007 entre Ian Paisley (DUP) et Gerry Adams (Sinn Fein) pour un gouvernement commun.
Chypre 1974
Suite aux événements des mois de juillet et août 1974 à Chypre (coup d’Etat contre le Président Makarios et intervention militaire de la Turquie), l’Assemblée avait prévu un débat sur la situation à Chypre pendant sa session d’automne. Dans un premier temps le rapporteur (Franz Karasek/Autriche) s’est rendu sur l’île pour s’informer de la situation et pour inviter, au nom du Président de l’Assemblée, les dirigeants des communautés grecque et turque de Chypre à la prochaine session parlementaire à Strasbourg. Cette présence donnait aux dirigeants des deux communautés l’occasion d’avoir des échanges avec des représentants parlementaires de l’ensemble des Etats membres et leur offrait l’opportunité d’avoir des contacts informels entre eux en présence de dirigeants du Conseil de l’Europe (Secrétaire Général, Président de l’Assemblée, Rapporteur).
La mission préparatoire du rapporteur a été facilitée grâce à l’aide de l’aviation militaire britannique qui dispose de deux bases militaires sur l’île. L’accès à Chypre par l’aviation civile n’était plus possible depuis la destruction de l’aéroport de Nicosie au mois d’août.
Après les rencontres avec les dirigeants des deux communautés à Strasbourg, l’Assemblée a réaffirmé son intention de maintenir en permanence le problème de Chypre à son ordre du jour et de poursuivre ses efforts en vue de promouvoir une solution équitable avec l’accord de toutes les parties. Le Bureau de l’Assemblée a décidé qu’une délégation, composée des présidents des groupes politiques (conservateur, chrétien-démocrate, libéral et socialiste) devrait se rendre à Nicosie, Ankara et Athènes. Le Professeur Olivier Reverdin, ancien Président de l’Assemblée et expert de l’Antiquité classique reconnu des deux côtés de la Mer Egée, fut associé à cette délégation.
Le calendrier et le programme de la mission furent préparés par l’Assemblée en étroite coopération avec les Représentations permanentes des trois Etats membres concernés. La question du transport tenait compte de l’inaccessibilité de l’île par le transport aérien ordinaire. L’armée britannique mettait à disposition des places sur un vol entre Londres et sa base à Chypre et la Turquie assurait le transport de la délégation entre l’île et Ankara.
Dès l’arrivée de la délégation parlementaire à Chypre les autorités chypriotes se sont formellement opposées à l’intention de vouloir joindre Ankara par un vol militaire turc qui devait partir de la partie occupée du Nord de l’île. Elles invoquaient une violation flagrante de la souveraineté de l’Etat de Chypre sur l’ensemble de son territoire.
La mission sur place n’a pas été pas remise en question. Les rencontres de la délégation avec les autorités de l’Etat et les dirigeants de la communauté grecque (en particulier l’Archevêque Makarios, Président de la République de Chypre et chef spirituel de la communauté orthodoxe grecque et Glafcos Clerides, Président du Parlement chypriote) et turque (Rauf Denktash, dirigeant de la communauté turque et les responsables de son administration) se sont déroulées comme prévues. Les déplacements dans la partie occupée du Nord ont été assurés par la Force des Nations Unies chargée du maintien de la Paix (UNFICYP). Restait le problème du déroulement de la suite de la mission, le transport de la délégation parlementaire de Nicosie à Ankara.
Depuis la destruction de l’aéroport principal des compagnies aériennes régionales/locales avaient instauré des vols entre l’île et Beyrouth avec des petits porteurs à partir d’aérodromes non touchés. Ceci aurait permis à la délégation de quitter l’île par ses propres moyens et de gagner Ankara par un vol ordinaire à partir de Beyrouth. A deux reprises le Professeur Reverdin et moi-même nous nous sommes rendus dans la partie turque de Nicosie pour évoquer avec l’Ambassadeur turc le choix d’un tel itinéraire pour poursuivre la mission. La solution préconisée ne fut pas acceptable pour les autorités turques, même si la délégation avait pris un vol Turkish Airlines à partir de Beyrouth pour gagner Ankara. Elles estimaient que la délégation aurait ainsi cédé aux pressions politiques des autorités chypriotes pour changer un itinéraire qui avait été bien fixé et annoncé.
La délégation a donc décidé d’interrompre sa mission après l’étape de Nicosie et d’effectuer les deuxième et troisième étapes ultérieurement. Mais au problème diplomatique s’est ajouté un problème logistique. Il était mi-décembre et, en vue des fêtes de fin d’année, il n’y avait plus de places disponibles sur les vols militaires vers le Royaume-Uni. Pour quitter Chypre la délégation a dû s’embarquer sur le bateau de nuit qui faisait la liaison maritime entre Limassol et Athènes. Conformément à leur décision d’interrompre la mission après les rencontres à Chypre, les membres sont rentrés dans leurs pays d’origine sans aucun contact officiel à Athènes. Les étapes deux (Ankara) et trois (Athènes) de la mission ont été effectuées au printemps 1975.
La rencontre la plus impressionnante à Nicosie fut celle avec l’Archevêque Makarios. Le charisme indéniable de cet Homme d’Etat et d’Homme d’Eglise a fait naître l’espoir d’un dialogue constructif avec les chypriotes turcs de l’île pour aboutir à une solution équitable. Il connaissait de longue date son principal interlocuteur, Rauf Denktash, Vice-Président de la République de Chypre. Les deux hommes s’appréciaient mutuellement. Après des multiples rencontres ils sont tombés d’accord, en février 1977, sur les lignes directrices d’une future République fédérale, indépendante, non-alignée et bi-communale. Ils auraient pu réussir sans le décès de Makarios peu de temps après.
Une occasion manquée donc. Pour s’imposer auprès de leur communauté les successeurs du Président Makarios ont dû se prêter au jeu politique des alliances et des concessions. Un durcissement dans les négociations fut, hélas, la conséquence pour des décennies.
Je suis arrivé à cette conclusion personnelle en accompagnant encore d’autres missions parlementaires sur l’île jusqu’à la fin des années 70. Cette impression fut confirmée une trentaine d’années plus tard quand j’ai pu assister, lors du Sommet de Varsovie en 2005, à la rencontre du Secrétaire Général avec le Président de Chypre, Tassos Papadopoulos.
Personnalité politique et Vice-Président de la communauté grecque, c’était déjà Monsieur Papadopoulos qui a accueilli en septembre 1974 le rapporteur de l’Assemblée à son arrivée à Chypre et, par la suite, c’était lui qui était venu à Strasbourg en tant que représentant de sa communauté. Elu Président de la République en 2003, il a pris position en faveur du vote « non » au referendum de 2004 sur la réunification de Chypre, plan négocié par le Secrétaire Général des Nations Unies, Kofi Annan. Ce plan avait suscité beaucoup d’espoir et reçu un vote favorable de la communauté turque, mais il n’a pas pu être mis en oeuvre en raison de son rejet par le Chypriotes grecs.
Pour moi (et beaucoup d’autres), ce fut une déception d’autant plus grande que l’ouverture de la « ligne verte » (la ligne de démarcation) en avril 2003 et le plan Annan de 2004 avaient fait naître de grands espoirs. Espérons que, malgré l’échec des négociations intercommunautaires en juillet 2017, une nouvelle génération de dirigeants des deux parties réussira à mettre fin à un des derniers anachronismes existants sur notre continent.
Liban 1979
Dans les années 70 l’Assemblée a régulièrement tenu des débats sur la situation au Proche-Orient. Pour des raisons historiques elle avait, dès 1957, conféré à la Knesset d’Israël, le statut d’observateur. Une décision partiale pour le monde arabe. Mais le statut d’observateur ne pouvait être accordé qu’à des représentants d’Etats non européens respectueux des principes de base du Conseil de l’Europe (démocratie pluraliste, Etat de droit et garantie des droits de l’homme). Le seul candidat possible de la région aurait pu être le Liban, qualifié de « Suisse du Proche-Orient » jusqu’au début des années 70. L’éclatement de la guerre civile a mis fin à ce projet.
L’Assemblée a entendu Madame Golda Meir, Premier Ministre d’Israël, lors de la session d’automne 1973 et, suite aux accords de Camp David en 1979, elle a invité les Ministres des Affaires étrangères d’Israël et d’Egypte, Moshe Dayan et Boutros Boutros-Ghali, à la session d’automne de la même année. Un débat public pour encourager le processus de paix au Proche-Orient. Pour préparer cet événement une sous-commission s’est rendue en septembre 1979 en Egypte et en Israël. Après la session d’octobre la sous-commission a été chargée de se rendre en novembre dans les pays voisins (Liban, Syrie et Jordanie) pour évoquer les éventuelles répercussions du traité de paix historique entre Israël et l’Egypte sur les autres situations conflictuelles dans la région.
Le programme et le déroulement de la mission ont été élaborés en détail avec les représentations diplomatiques des pays concernés à Paris. Il était prévu qu’après l’arrivée en avion des membres de la sous-commission à Beyrouth les déplacements dans les pays jusqu’à la frontière seraient assurés par les autorités nationales des trois pays jusqu’au départ vers l’Europe à partir de la capitale de Jordanie (Amman).
La guerre civile a éclaté au Liban dès 1975. Malgré un cessez-le-feu proclamé par la Syrie en 1978 les confrontations entre les différents camps (dont les combattants de l’OLP) n’ont jamais vraiment cessé et des attentats ou actions militaires pouvaient se produire à tout moment. Un « Etat libre du Liban-Sud » a vu le jour au printemps 1979.
La mission parlementaire (composée de représentants d’Allemagne, d’Espagne, de France, de Malte, de Suède et de Suisse) a été logée à l’hôtel « Summerland », un complexe hôtelier construit peu avant sur la plage au Sud de Beyrouth pour assurer un maximum d’autonomie et de sécurité. Le soir de leur arrivée les membres de la sous-commission ont donné rendez-vous à des représentants des Ambassades de leurs pays pour un briefing sur la situation au Liban. C’est le représentant de la Suède qui est arrivé, à pied, avec un retard de plus d’une heure. Sur son chemin vers l’hôtel il a été arrêté par un barrage de fortune érigé par des ressortissants d’un camp palestinien qui, mitraillette à la main, ont obligé le diplomate étranger à abandonner sa voiture et à continuer à pied. Un incident presque banal selon lui et certainement très éloquent pour la situation du pays. Le petit déjeuner du lendemain fut accompagné par le bruit régulier d’explosions. Il s’agissait soit de tirs, soit de la mauvaise pratique de la pêche à la grenade dans la baie de Beyrouth.
Après les rencontres au Parlement et au Ministère des affaires étrangères j’ai demandé au Chef du Protocole des nouvelles sur l’organisation du transport de la délégation jusqu’à la frontière syrienne prévu pour le lendemain matin. Sa réponse fut que les autorités libanaises n’étaient pas en mesure d’assurer le transport, mais qu’il pouvait me mettre en contact avec une entreprise privée (un cousin !) qui pourrait, contre une somme de 300 US dollars, amener la délégation jusqu’à la frontière syrienne. En rappelant que ce transport faisait bien partie du programme fixé ensemble avec l’Ambassade du Liban à Paris, j’ai assuré que, dès notre retour, le Conseil de l’Europe transfèrerait sans tarder la somme de 300 US dollars à l’Ambassade du Liban à Paris. La réponse fut immédiate et négative. Les frais de transport devraient être réglés sur place et avant notre départ pour la frontière. Après consultation avec les membres de la sous-commission, j’ai informé mon interlocuteur que nous étions en mesure de « collecter » la somme de 150 US dollars. L’offre fut acceptée et le lendemain matin deux anciennes grosses limousines américaines nous ont amenés, à travers le Mont Liban, vers la frontière syrienne. Le voyage a été accompagné par des tirs sporadiques et éloignés. Sans surprise, du côté syrien de la frontière un minibus nous attendait, comme prévu, pour amener la délégation à Damas. Après la situation chaotique d’un Etat à la dérive, c’est le régime autocratique d’Hafez el-Assad qui fut le garant du bon déroulement de la mission jusqu’à la frontière syro-jordanienne.
Le « Summerland » à Beyrouth n’a pas échappé à la guerre civile et à la destruction, mais il connaît récemment un nouvel avenir comme hôtel de luxe.
La percée de la « diplomatie parlementaire »
Ces quelques souvenirs personnels liés à la préhistoire de la diplomatie parlementaire témoignent de l’évolution du rôle parlementaire dans les relations internationales. Dès sa mise en place, l’Assemblée parlementaire a offert ses bons offices dans la recherche de solutions en favorisant dialogue et débat public. Toutefois, les acteurs de la « diplomatie classique » (Comité des Ministres et Gouvernements concernés) se gardaient la liberté de tenir compte des initiatives et propositions parlementaires.
Dès le début des années 70 les relations Est-Ouest et la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (avant et après l’adoption de l’Acte Final de la CSCE à Helsinki en août 1975) sont devenues une constante dans les délibérations de l’Assemblée. Elle y associait également des délégations parlementaires du Canada, des Etats-Unis d’Amérique, de la Finlande et de l’ex-Yougoslavie. Dans les années 80 elle a commencé à nouer des contacts avec plusieurs pays de l’Europe centrale et orientale. Et c’est en 1988 qu’une délégation du Soviet Suprême de l’Union soviétique se rendit à Strasbourg pour des échanges de vues. Une véritable « diplomatie parlementaire » était en train de se mettre en marche. Avec la création du statut d’invité spécial pour des délégations des parlements des pays engagés dans des réformes internes (Hongrie, Pologne, Union soviétique et ex-Yougoslavie) en juin 1989 et la venue de Mikaël Gorbatchev, le 6 juillet 1989, l’Assemblée a réussi une percée diplomatique pour l’ensemble du Conseil de l’Europe. Le jour même, le Président Gorbatchev a rencontré la Troïka du Comité des Ministres (les Ministres des Affaires étrangères de la Norvège, des Pays-Bas et du Portugal) pour arriver à un accord de principe sur une future coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union soviétique en vue du soutien aux réformes en cours et en préparation dans ce pays.
Grâce à l’action de l’Assemblée la marche vers une nouvelle Europe s’est accélérée. Et c’est dans le cadre de la politique d’élargissement du Conseil de l’Europe, suite à la chute du mur de Berlin, que l’Assemblée s’est investie d’un rôle politiquement majeur, et reconnu comme tel par le Comité des Ministres et les Etats membres. Elle est devenue un acteur essentiel dans la procédure d’adhésion des nouveaux Etats membres ainsi que pour le contrôle du respect des engagements pris au moment de l’adhésion. Par sa Directive sur le respect des engagements pris par les nouveaux Etats membres (No 488 de 1993), connue comme « Directive Halonen » (Tarja Halonen, membre de l’Assemblée, devint ensuite Ministre des Affaires étrangères puis Présidente de la Finlande), l’Assemblée a établi une procédure novatrice, contraignante et « révolutionnaire » pour le fonctionnement habituel d’une organisation intergouvernementale. Dans son rapport sur l’élargissement du Conseil de l’Europe (Doc.7103 de juin 1994) elle a précisé les limites géographiques de l’élargissement, une prise de position qui n’a jamais été contestée par le Comité des Ministres, et qui a permis quelques années plus tard l’adhésion de la Géorgie, de l’Arménie et de l’Azerbaidjan au Conseil de l’Europe. Une véritable diplomatie parlementaire s’est désormais instaurée, respectée et soutenue par les gouvernements.