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Mon chemin de Damas
1987-1994
Catherine LALUMIÈRE
L’ancienne Secrétaire générale du Conseil de l’Europe (1989-1994) nous raconte comment son expérience a changé sa vie, et surtout sa vision de ce qu’est le projet européen. Un projet qui, pour rester solide, doit continuer à marcher sur ses deux jambes : l’Europe de Bruxelles, d’un côté, et l’Europe de Strasbourg, de l’autre.
Comme beaucoup de citoyens, j’ai découvert le Conseil de l’Europe tardivement, dans les années 1980. Pour être franche, je devrais dire que c’est « l’Europe », toutes organisations confondues, que j’ai découverte tardivement. Ma formation d’origine était très franco-française : droit public français, étude de l’administration française, culture française... Rien ne me prédisposait à consacrer la seconde partie de ma vie à l’Europe.
Le Conseil de l’Europe, je l’ai d’abord approché lorsque le président Mitterrand et le Premier ministre Laurent Fabius m’eurent nommée Secrétaire d’État chargée des affaires européennes, en décembre 1984. Évidemment, l’essentiel de mon apprentissage, et finalement de mon travail, se déroula dans le cadre de la Communauté, à Bruxelles et dans les pays à l’époque membres de la CEE. Mon souvenir le plus mémorable est d’avoir signé, au nom du gouvernement français, les accords de Schengen en juin 1985, qui prévoyaient d’étendre progressivement à la France et à l’Allemagne la liberté de circulation déjà existante entre les trois pays du Benelux, et qui deviendront la base juridique de « l’espace Schengen », qui regroupe aujourd’hui vingt-six États européens. De temps en temps, on m’envoyait à Strasbourg pour représenter la France dans les sessions ministérielles du Conseil de l’Europe, mais je dois avouer qu’à l’époque, les caractéristiques du Conseil me paraissaient extrêmement floues.
Il me fallut attendre 1987-1988 pour que les choses commencent à se préciser : je faisais désormais partie de la délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, et je découvrais des collègues de pays que je ne connaissais guère (Autriche, Suisse, Norvège...) et des thèmes dont on ne parlait presque jamais à Bruxelles, notamment la situation dans les pays d’Europe centrale et orientale qui composaient le bloc de l’Est. On me confia la rédaction du rapport sur la politique générale du Conseil de l’Europe et les relations Est-Ouest, question qui se révéla évidemment passionnante. L’élaboration de ce rapport me donna l’occasion de faire la connaissance d’une collègue, Loyola de Palacio, qui deviendra une excellente commissaire au sein de la Commission européenne dans les années 1999-2004. Malheureusement, cette femme de talent avec laquelle je sympathisais est décédée en 2006 des suites d’une terrible maladie.
En 1988, nouvelle étape : le président de notre groupe politique au sein de l’Assemblée parlementaire, Karl Ahrens, un député allemand fort sympathique, me convoque dans son bureau pour me dire en substance ceci : « Le prochain Secrétaire général doit être désigné en 1989. Je pense que tu devrais être notre candidate. » Surprise, hésitations de ma part. Au bout de plusieurs mois, sollicitée à nouveau par Karl Ahrens, je finis par dire oui. Et voilà comment, après le ballet diplomatique d’usage pour ce genre de fonction et la mobilisation des parlementaires, je fus élue Secrétaire générale de cette organisation, que le général de Gaulle aurait un jour évoquée comme étant « la belle qui sommeille sur les bords du Rhin ».
Mais les hasards de la vie font parfois bien les choses. Pour moi, cette arrivée à la tête du Conseil de l’Europe fut non seulement un tournant dans mon existence, mais ce que j’ai coutume d’appeler « mon chemin de Damas ».
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Catherine LALUMIÈRE
Après avoir commencé sa carrière politique en tant que membre de l’Assemblée nationale française (1981-1989), Catherine Lalumière a occupé les fonctions de secrétaire d’État pour les Réformes de la fonction publique et de l’administration, secrétaire d’État chargée de la Consommation, et Secrétaire d’État pour les Affaires européennes. Elle a été élue secrétaire générale du Conseil de l’Europe en 1989 et a dirigé l’Organisation dans la période cruciale qui a fait suite à la chute du mur de Berlin. Elle a ensuite été élue au Parlement européen en 1994, dont elle est devenue vice-présidente en 2001. Elle est présidente de l’Association européenne des écoles d’études politiques du Conseil de l’Europe depuis 2008, et de la Maison de l’Europe à Paris.