Agrégateur de contenus

angle-left null A memorable tour
Arrière plan de l'événement
13 septembre 2019

Une tournée mémorable

1990

Catherine LALUMIERE
 

Catherine Lalumière a été la Secrétaire générale du Conseil de l’Europe entre 1989 et 1994,
une période de changements majeurs dans l’histoire de notre continent. Dans ces circonstances et sous sa direction, le Conseil de l’Europe a vécu une forme de renaissance. Elle partage un moment saisissant de la première année de son mandat dans les capitales de l’Europe dite de « l’Est ».

Les années 1989-1990 et suivantes me sont inoubliables, et en particulier la tournée des capitales, qui se déroula en mars 1990.

Le contexte est une scène de théâtre étonnante. Le 9 novembre 1989, la chute du mur de Berlin a ébranlé tout l’empire soviétique et, depuis lors, comme au jeu de domino, tous les pays du bloc de l’Est ont commencé à basculer vers l’Ouest. Éberlués, nous avons appris successivement la Révolution de velours à Prague, l’assassinat du couple Ceausescu, l’effondrement du régime de Jivkov en Bulgarie, etc.

C’est au début de l’année 1990 que le ministre des affaires étrangères du gouvernement portugais, Joao de Deus Pinheiro, qui assure la présidence du Comité des ministres, me propose de faire ensemble une tournée des capitales des pays d’Europe centrale. L’idée est d’aller sur place le plus vite possible pour se rendre compte de la situation et déterminer ce que le Conseil peut faire pour aider la transition. J’aime cette réaction rapide. En effet, la politique offre parfois des fenêtres d’opportunité. Il faut savoir les saisir, réagir vite, mais en connaissance de cause. L’initiative portugaise me paraît excellente.

Vite fait bien fait, le 1er mars 1990, un bel avion de l’armée portugaise embarque notre délégation. Petite délégation, car l’heure n’est pas aux dépenses somptuaires ni aux délégations officielles, qui sont nécessairement lourdes. Pour être honnête, je dois dire que notre départ fut légèrement retardé. Un premier avion militaire avait été prévu, mais il tomba en panne. Le temps de faire venir un autre appareil et nous voilà partis.

Première étape : Varsovie. Nous arrivons dans un pays en pleine transition et la situation politique est étrange. Le président de la Pologne, le général Jaruzelski, est toujours en fonction et nous reçoit très « correctement », allant jusqu’à me faire un baise-main ! J’aurai l’occasion de le revoir par la suite et, à chaque fois, il m’a frappée par son extrême souci de représenter dignement son pays. Il ne cachait pas ses opinions communistes et ses regrets, mais a toujours manifesté sa volonté d’agir dans l’intérêt de la Pologne et, pour cela, d’aider la transition.

Et puis nous rencontrons les nouveaux dirigeants, ceux de Solidarnosc et de la table ronde, que certains d’entre nous avaient appris à connaître et avec lesquels des liens d’amitié avaient été tissés. Nous rencontrons le nouveau Premier ministre, Mazowiecki, et le ministre des Affaires étrangères, Skubiszewski. Celui-ci, juriste éminent, connaît parfaitement le Conseil de l’Europe, la Cour internationale de justice de La Haye, bref les droits de l’homme et l’Occident. Les contacts avec lui, avec eux, sont faciles. Ces hommes se sont battus pour l’idéal européen. Nous n’avons pas grand-chose à leur apprendre. Ils représentent la nouvelle Pologne, démocratique et ouverte. À ce moment-là, nous n’imaginons pas que ces valeurs humanistes et démocratiques puissent, un jour prochain, s’affaiblir à nouveau dans ce beau pays...


Si vous souhaitez poursuivre votre lecture, vous pouvez acquérir le livre "Artisans de l'Europe".


Catherine LALUMIÈRE
Après avoir commencé sa carrière politique en tant que membre de l’Assemblée nationale française (1981-1989), Catherine Lalumière a occupé les fonctions de secrétaire d’État pour les Réformes de la fonction publique et de l’administration, secrétaire d’État chargée de la Consommation, et Secrétaire d’État pour les Affaires européennes. Elle a été élue secrétaire générale du Conseil de l’Europe en 1989 et a dirigé l’Organisation dans la période cruciale qui a fait suite à la chute du mur de Berlin. Elle a ensuite été élue au Parlement européen en 1994, dont elle est devenue vice-présidente en 2001. Elle est présidente de l’Association européenne des écoles d’études politiques du Conseil de l’Europe depuis 2008, et de la Maison de l’Europe à Paris.